Éditions GOPE, 160 pages, 12 x 20 cm, illustrations noir et blanc, 14.70 €, ISBN 979-10-91328-41-8

lundi 20 février 2017

Le récit est essentiellement fait de dialogues

Illustration de Luc Rogmans


C’est une belle réédition de ce texte, paru déjà en 2004 chez un autre éditeur, que nous offrent les éditions GOPE et Jean Marcel qui l’a traduit de l’ancien français. Et les moindres des qualités de cette réédition ne sont pas les illustrations reprises par numérisation d’œuvres du XVe siècle.

L’avant-propos nous éclaire sur l’origine de cette histoire et son extraordinaire popularité manifestée par les différentes versions en grec, syriaque, arabe, hébreu, géorgien, allemand, suédois, occitan etc. et bien sûr en latin dans la version abrégée de la Légende dorée de Jacques de Voragine. L’histoire de la quête spirituelle de Josaphat a, nous dit-on, maints rapports avec celle de Bouddha, le nom de Josaphat étant une déformation par les voies du sanskrit, du syriaque, de l’arabe et du grec de celui du Bouddha.

Josaphat est le fils, longtemps espéré, du roi indien Avennir, païen endurci et persécuteur de chrétiens (en lisant ce récit, impossible pour nous qui venons de voir le film de Scorsese, Silence, de ne pas penser aux martyrs espagnols, portugais et japonais du XVIIe siècle). Voulant le protéger d’un destin annoncé par des astrologues qui prédisent que ce fils sera le maître d’un grand royaume, bien plus beau que celui de son père, et qu’il se tournera vers la religion persécutée, il l’enferme dans un château, l’environnant de luxe et de tous les plaisirs de la vie terrestre, sous la surveillance de gardiens de confiance. Mais le moine chrétien Barlaam, qui a pu échapper aux persécutions, parvient à l’approcher, à le convertir et le baptiser. Le roi, qui en est averti, après l’échec de maintes tentatives, ruses et menaces pour ramener son fils à la raison, se résout à lui donner une partie de son royaume, qui devient donc chrétienne, et, à la veille de sa mort, finit par reconnaître ses fautes et la vérité de la religion de Jésus-Christ. Josaphat, plutôt que de continuer à régner, cède le pouvoir à l’un de ses intimes et, pleuré par tous ses sujets, en la vingt-cinquième année de son âge, rejoint Barlaam dans son ermitage, accompagne ses derniers instants et finit sa vie dans la solitude et la prière.

Le récit est essentiellement fait de dialogues, qui prennent souvent la forme de prédications : ainsi, est repris plusieurs fois le récit du salut, création du monde, de l’homme, du péché, alliance voulue par Dieu, la vie et de la mort du Christ et appel et envoi des apôtres. Les citations de l’Écriture sont courtes et nombreuses, parfois quelque peu modifiées. On trouve aussi maintes paraboles, soit tirées de l’Évangile, soit sous la forme d’exempla ou d’apologues du temps. Nous relèverons simplement ce passage, magnifique : après le repentir du roi Avennir, Josaphat « se prépara pour aller voir son père et mit toute sa confiance en Notre-Seigneur, assuré d’avoir pour lui ce qu’il avait tant désiré. Lorsqu’il fut prêt, de même que sa compagnie, il se mit en route et arriva chez son père, qui vint à sa rencontre en l’embrassant et le recevant avec grands honneurs et une telle joie que nul ne pourrait la décrire. » Qui ne reconnaîtra ici la parabole de « l’enfant prodigue », merveilleusement renouvelée ? Nous n’omettrons pas de signaler que tous les propos chrétiens commencent sans exception par des louanges à Dieu et des grâces rendues à Sa grandeur et à Son amour.

L’adaptation en français moderne de Jean Marcel – on ne pouvait que s’y attendre, venant d’un si bon connaisseur et maître de la langue – est parfaite avec, me semble-t-il, une touche du XVIIe siècle qui ne saurait nous déplaire.

Yves Avril, ancien chroniqueur de Le bulletin des lettres, février 2017.

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